Un témoignage de Tristan, à garder en tête pour du préventif :

HISTOIRE DE LYME.

Lyme, Connecticut, USA. Juin 1975.

Ann est une maman contrariée. Au début de l’année scolaire, la prof de musique, lors de la réunion de rentrée, avait demandé si des parents pouvaient s’impliquer à l’organisation du spectacle de fin d’année. Depuis des semaines, avec un groupe de mamans, elle avait constitué un groupe à la confection du déguisement des filles. Au fil des essayages, les gamines s’étaient mues en princesses d’opérettes.
Ann qui, plus jeune, avait suivi une formation de danse classique, avait, sous la coupe de la prof de musique, pris part à l’élaboration des différents tableaux et notamment le final qu’elle s’était vu confier entièrement.

C’était justement ce spectacle qui la tracassait. Au cours des semaines précédentes, à chaque répétition, les absences des élèves se faisaient plus nombreuses, modifiant en permanence l’effectif, la répartition des rôles, le positionnement de chacune. Plus inquiétant, les fillettes absentes semblaient toutes souffrir du même mal, des courbatures, douloureuses à les entendre, accompagner d’une fatigue générale, au point qu’aucune souffrant de ce mal, les premières depuis maintenant 3 semaines, n’avait pu reprendre leur place dans l’effectif.

John, au bord du terrain de foot, regarde sa montre une fois de plus. Ann, sa femme et Lise, leur fille sont en retard. Elles risquent de rater le dernier match du tournoi inter collège du comté, justement celui où joue Paul leur fils. Quel drôle de tournoi en vérité : Les rares remplaçants présents ont prit la place des titulaires absents. Il n’y a plus aucun remplaçant dans les 7 équipes du tournoi. Pour couronner le tout, Paul, capitaine de son équipe, se plaint de douleurs aux jambes. Et c’est vrai que visuellement sur le terrain, il ne court pas normalement.

Le lendemain soir, Ann est abasourdie. Elle a passé sa journée au téléphone, d’abord avec les parents des fillettes absentes au spectacle de danse, puis avec les parents des copains de son fils. Le constat est étonnant. En une journée, elle a recensé, dans un cadre relativement restreint, 39 cas présentant à peu près les mêmes symptômes. Egalement réparti dans les 2 sexes, entre 6 et 19 ans, issus d’établissements scolaires et de villes différentes. Elle alerte le médecin de famille qui prévient les autorités sanitaires.

Les premiers résultats de l’enquête sanitaire confortent les doutes ; dans ce bassin de population de 100 000 habitants sont recensés 427 cas d’arthrite invalidante. La moyenne nationale est de 10 cas pour 100 000. Un jeune chercheur de l’université de Yale fait un sujet de recherche sur ce premier cas groupé de contamination. Il établi le lien entre la pathologie et les morsures de tiques ainsi que l’atténuation des symptômes par antibiothérapie. La maladie est baptisée : Maladie de Lyme.

En 1982, l’épidémiologiste W. Burgdorfer retrouve dans l’estomac d’une tique, la bactérie présente dans tous les organismes infectés. En l’honneur de sa découverte, elle portera son nom : Burgdorferia.

Les études montrent qu’il existe une « population à risque ».
Parmi les professionnels, on compte : les forestiers et les agriculteurs. Pour les activités de loisirs, elle concerne : des pêcheurs, des chasseurs, des cavaliers, des vttistes, des coureurs, des golfeurs, des randonneurs, des orienteurs. Il faut aussi ajouter que 66% des touchés sont des ruraux. Les hommes de plus de 50 ans ainsi que les garçons de moins de 10 ans semblent les plus exposés. La maladie ne se transmet pas d’humain à humain. Les zones de présence des tiques sont les herbes hautes, les branches basses et le tapis feuillu pour les larves. C’est par contact avec ces éléments végétaux que la tique se fixe sur la peau et se nourrit de sang. Certaines sources prétendent que la tique peut tomber du feuillage. Le biotope idéal pour la tique est une forêt de feuillus assez dense, recouverte d’un épais tapis de feuilles mortes, conservant une hygrométrie de 80 %. La période d’exposition aux risques s’étale, chez nous, de mai à octobre.

A ce moment du récit, il n’est pas interdit de se poser la même question qu’Ann quelques années plus tôt. Pourquoi, dans des lieux identiques, avec une même activité extérieure et de surcroît, à cette époque, le plus souvent en culottes courtes, nous échappions jadis aux morsures des tiques ?
Sans doute car il y en a davantage maintenant !

La maladie de Lyme est considérée comme une maladie émergente en raison de sa propagation récente en Europe et en particulier dans notre zone d’habitation. Pour l’expliquer, comme souvent, plusieurs raisons semblent se combiner.

1) La défragmentation écologique, autrement dit le maillage routier très important en France, encore plus dans notre région, aggravé par l’accroissement de la circulation automobile, crée des frontières infranchissables pour la survie et la reproduction des premiers prédateurs des tiques (crapauds, grenouilles et tous les batraciens) qui finissent par disparaître.
2) Les zones humides sont culturellement mal considérées par les citadins et mal traitées par les aménageurs du territoire. L’habitat des batraciens finit par disparaître aussi.
3) Les réglementations de la chasse dans notre région (sous différentes pressions) ont pour conséquences un accroissement de la population du petit gibier (lièvres, écureuils) et du grand gibier (cervidés, sangliers) qui, par leur présence, sont à la fois réservoirs, vecteurs de diffusion et propagateurs des tiques.

A ces 3 facteurs, un autre, notre alimentation moderne, semble avoir affaibli nos défenses immunitaires (présence de pesticides et de métaux lourds dans nos organismes).

Vous l’avez compris, nous sommes, en tant que coureurs à pied, des sujets à risque dans une région très contaminée. Les moyens de se protéger lorsque l’on court hors des chemins sont : Porter des chaussettes montantes, se couvrir les jambes et les bras et pour, les cheveux longs, se les attacher et les couvrir. Les vêtements blancs ont l’intérêt, au cours d’une inspection visuelle, de détecter une tique qui s’y serait accrochée. Après le retour à la maison, là encore, seul l’examen visuel, et minutieux, est très conseillé. Si une tique s’est accrochée, il faut la retirer. Pas avec vos ongles ni avec une pince à épiler : l’écrasement de l’abdomen de votre nouvelle amie risquerait de vous inoculer la bactérie dans le sang. En cas de rougeur ou d’oedème n’hésitez pas à consulter un pharmacien ou un médecin. Des tire-tiques sont vendus 8 € dans toutes les pharmacies. Le risque d’infection est restreint les premières 24 heures. Après 72 heures, il est de 100 %. Evidement, cela concerne les 10% des tiques infectées par le virus.
Une fois récupérée, se pose le problème de sa destruction. A mon avis, la meilleure solution est de la déposer sur un petit morceau de papier et de l’enflammer. Faites gaffe quand même de pas mettre le feu à la maison ! Pour la petite histoire, quant aux capacités de survie de la tique, elle est insensible à la radioactivité de la centrale de Tchernobyl, elle peut résister à une immersion de plusieurs semaines dans l’eau. Le formol et l’alcool ont peu d’actions sur elles.

Mon but, à travers cet article, n’est pas d’écrire une légende urbaine, ou une histoire du loup version 21ème siècle. Cet article a pour vocation de relayer une information que les autorités sanitaires devraient diffuser avec tous les moyens dont elle dispose. Nos voisins européens sont mieux lotis dans ce domaine. La pratique de l’outil informatique en France ne peut, à lui seul, faute de notre retard et de notre défiance face à ce nouveau média, parvenir à cette diffusion. Je suis conscient du dérisoire, voire du paradoxe, de faire paraître cet article sur notre site internet.

BONNE COURSE.

TRISTAN BOUVARD