U T M B 2005

Qu’ils soient d’Arrées où du Ventoux, de Saint Michel où de Vénus, j’ai déjà eu part le passé l’occasion d’escalader, de visiter et d’admirer tout ces MONTS que l’on rencontre au cour d’une vie. Mais celui qui mobilisait toute mon attention depuis plusieurs mois était un géant Blanc de plus de 4800 mètres de hauteur.

La folle mission à laquelle j’allai participer avait pour nom de code UTMB (Ultra Trail du Mont Blanc). Une mission relativement simple dans sa conception, encercler le géant et toutes les murailles qui le protège dans un délai le plus court possible, mais extrêmement difficile et périlleuse à réaliser : 158 km ; 10 cols à franchir ; 8640 m de dénivelé positif ; 3 pays à traverser et un délai max de 45 heures.

Beaucoup des 2000 volontaires au départ de Chamonix ce vendredi 26 aout, ne pourrons boucler ce tour infernal. Et malgré une préparation et un entrainement des plus sérieux, un mental d’acier !…. cette petite pointe de doute plantée au fond de soi :

Serai’ je parmi cette petite poignée qui pourra nouer son fil d’Ariane de retour à Chamonix ?

Ou ferai’ je partie du plus grand nombre d’entre nous, qui aurons vu se briser le fil, ainsi que leurs espoirs de vaincre le géant ?

Chamonix 19 heure : Un moment d’une intensité exceptionnelle, un immense frisson intérieur, la gorge nouée part cet instant magique, transcendé pars un beau soleil d’aout, la musique du film Christophe Colomb et une foule impressionnante. Mon regard croise une dernière fois celui de Tristan, qu’elle intensité, que de mots silencieux « Bonne route, prend garde à toi et que tes forces t’emmènent jusqu’au bout » Enfin, nous pouvons libérer toute cette énergie accumulée pendent toutes ces heures, ces semaines, ces mois d’entrainement.

Les premiers Km, rester calme, partir doucement ! non encore plus doucement !…….. Je m’enivre de ces premiers instants de course ou le corps et la tête fonctionnent parfaitement. Les foulées s’enchainent, Les Houches (km 8, alti 1012m) petit ravitaillement, les premières pentes raides du col de Voza (km 13, alti 1653m) et, comme une récompense pour nos premiers efforts un coucher de soleil fabuleux. Une lumière extraordinaire, rouge orangée éclaire les sommets enneigés qui se détache sur un ciel d’un bleu pur. Km 20, la Villette, « ralenti, t’es trop vite, RA…LEN…TI !!! »

Les Contamines 3 h 30 de course (km 25, alti 1150m) premier gros ravitaillement. Qu’elle ambiance, beaucoup de monde dans les rues, ça crie, ça tape dans les mains, plein de lumières, un orchestre au top de sa forme. Ca donne envie de rester, mais bon encore plus de 130 bornes à avaler, allez c’est reparti.

Bon là, c’est du sérieux : Notre Dame de Gorge (km 29 alti 1210m) ; La Balme (km 33 alti 1706m) ; col de la Croix du Bonhomme, (km 38 alti 2479m), plus de 6 h de course. Je prends le temps de me retourner dans la montée du col pour admirer cette immense guirlande lumineuse qui serpente à travers la montagne. Très grosse descente technique et glissante (930 m de D – ) sur les Chapieux et très grosse chute, 5 / 6 m dans la caillasse. Le pouce et la fesse gauche ont morflés, la frontale à volée et le bâton droit est méchamment tordu. Ouah………… la décharge d’adrénaline « calme toi, et Bordel de merde RALENTI. et Sylvie, elle t’a dit quoi : fait attention à toi ! Alors «

Les Chapieux 2 éme gros ravito (km 44 alti 1549m) 7h 13 depuis Cham. Soupe, saucisson, pain, compote, chocolat et c’est reparti. Il est presque 3 h du matin . Les 7 km qui nous conduisent au refuge des Mottets se ferons sans frontale. La nuit est superbe, toute étoilée avec un joli quartier de lune, suffisant pour éclairer notre route. Devant nous le col de la Seigne ( km 54 alti 2516 m) Premier coup barre sérieux à 800 m du sommet. Arrêt, boisson et pastilles énergétiques, quelques flexions de jambes, allez l’Italie est de l’autre coté. Refuge Elisabetta (km58 alti 2200 m) petit arrêt, soupe quand même et direction un autre gros morceau : l’Arète du Mont –Favre ( km 63 alti 2435 m) Pendant l’ascension le jour se lève, magnifique, les jambes commencent à faire mal, mais bon on a 9 bornes de descente pour arriver à Courmayeur et la je remets toute la mécanique à neuf !!!

Arrivée à Courmayeur à 7 h 50 ( km 72 alti 1190 m) Les 1240 m de dénivelés négatifs ont été très dur mais le sourire et les encouragements de Sylvie me font un bien immense. Je récupère mon sac avec mes affaires de rechanges. Dans les vestiaires je retrouve Tristan, nos regards se croisent, ce n’est plus le même qu’au départ, près de 13 h de course sa secoue déjà pas mal. Nous prenons quelques secondes avant de pouvoir parler « c’est pas gagné ! ». « Non t’as raison c’ est pas gagné !!! » Je vais rester près d’une heure, pour prendre une douche, me changer, manger, me masser et me recharger des mots d’encouragement et de motivation de Sylvie et Valérie. Merci les filles ça fait du bien. Près de 300 d’entre nous n’arriverons pas à Courmayeur et plus de 450 ne repartirons pas.

Il est 8 h 55, un dernier baiser de Sylvie et je quitte la base. Plein d’encouragements de coureurs qui se dirigent vers le car qui repart sur Chamonix, très gros frisson dans le dos. Et moi c’est pour quand ?

Concentration maximum, j’attaque la fameuse montée sur le refuge Bertone : 800 m de dénivelé en 5 km. Fait chaud, mais ca monte pas trop mal, reste calme, tranquille.

M…de ! c’est long quand même. 10h 20 enfin le contrôle au refuge Ouf ! Devant moi un très beau sentier en balcon ,12 km à 2000 m d’altitude, direction le refuge Bonatti ( km 84 alti 2020 m) puis descente sur Arnuva au pied du Grand Col Ferret.

On est samedi 13 h et je démarre l’ascension du Grand Col Ferret point culminant de la course à 2537 m. Rester calme, gérer les quelques forces encore disponibles et puis attendre, laisser défiler les mètres et les minutes qui nous conduisent au sommet, frontière Italo Suisse.1 h 30 pour faire les 4 km. Un grand coup de chapeau et quelques mots d’encouragement pour les bénévoles qui sont là. Comment font ‘ils pour rester si longtemps ? Admiration.

Le moral est bon et le physique n’est pas catastrophique, il me reste un peut de force pour attaquer la descente vertigineuse de 19 bornes et 1387 m de D – , pour atteindre Praz De Fort. Je m’étonne de pouvoir courir encore aussi souvent Dans le milieu de la descente le ravitaillement de La Fouly, plutôt bien venu, et en plus les filles sont là. Sylvie est venue à ma rencontre et fait un petit bout de chemin jusqu’au ravitaillement. C’est bon de pouvoir parler, raconter un peut ce que l’on est entrain de vivre et avoir des nouvelles des copains. Peu de monde au ravitaillement et des tables de kinés libres j’en profite pour me faire masser, mes jambes commencent à être sérieusement lourdes. Sylvie refait le plein de mon Camel, une boisson énergétique dans ma gourde et allez en route pour les 17 km qui nous reste avant Champex prochaine grande base de ravitaillement. Le reste de la descente ce passe plutôt bien, j’arrive à trottiner régulièrement, mais la montée sur Champex est terrible mes dernières forces se sont évanouies et c’est à l’arrache que j’arrive à la base de Champex ( km 119 alti 1391 m)

Il est 19 h 10 plus de 24 h de course, le sourire de Sylvie, les supers bénévoles qui m’encouragent et me tendent mon sac d’affaires de rechanges n’arrivent pas à estomper ce doute qui s’installe en moi : comment faire pour aller plus loin ? Avec qu’elles forces ?

La motivation reviendra quand Tristan, arrivé 1 h avant moi, proposera que l’on reparte ensemble pour affronter la 2ème nuit à deux. Après plus d’une heure d’arrêt il presque 20 h 30 quand nous quittons la base. Nous estimons à 10 h le temps pour faire les 40 derniers km. La pluie a fait son apparition pars intermittence depuis la fin d’après-midi, mais dès les premières pentes de la montée sur Bovine les robinets sont ouverts en grand. Cette montée sera apocalyptique ! Pluie battante, boue, blocs de rochers, brouillard, 2 heures de lute dans la bouillasse……… interminable !

L’eau et la boue rendent les descentes très périlleuses et malgré les battons d’une grande utilité, touts nos pas, touts nos appuis sont aléatoires, glissades et chutes n’épargneront personne. Calé dans le sillage de Tristan, ou coincé dans un petit groupe de coureurs j’avance tant bien que mal. Mon instinct de coureur me permet d’avancer sans trop réfléchir heureusement si non …………… ? Ravitaillement de Trient ( km 132) Sylvie et Valérie sont là, c’est bon de les revoir. Ambiance très particulière dans ce ravitaillement, ça sent le fromage à raclette il y a plein de chose à manger, de la musique, une piste de danse avec quelques bénévoles qui s’agitent, un bar avec une brochette de gars accoudés. Robert, un coureur de Bures avec qui j’ai fait un bon bout de chemin dans la journée arrive et me dit qu’il va prendre une bière et que c’est bon pour ce qu’on a. Alors, vas pour une bière( vu dans l’état dans lequel je suis ). Sur ce arrive Jérôme et ses deux acolytes d’Endurance Shop et nous voyant à la bière s’y mette aussi ! Il est minuit passé il est tant de repartir.

Une bonne montée sur les Tseppes, puis descente sur les Esserts et Vallorcine ( km 142 alti 1260 m) le tout sous la pluie dans la boue, la gadoue et le brouillard. J’ai de plus en plus de mal à rester au contact derrière Tristan. C’est dans un piteux état que j’arrive au ravitaillement de Vallorcine. Les bénévoles s’aperçoivent de mon état et me prennent en main immédiatement. Un kiné sur chaque jambe, une infirmière vérifie mon taux de glycémie et me pose plein de questions pour faire un bilan de mon état physique et mental. Sylvie arrivée entre temps, ne prend position ni pour l’infirmière qui aimerait me voir m’arrêter, ni pour moi, qui petit à petit retrouve mes esprits et quelques forces pour espérer aller au bout. On m’oblige à me ravitailler copieusement, soupe, saucisson, pain, banane, chocolat le tout arrosé au coca Il est 3 h 30 du mat, Tristan a les yeux qui clignotent pas mal, le manque de sommeil commence à ce faire sérieusement sentir. Les filles nous encouragent du mieux qu’elles peuvent, elles savent que c’est la dernière ligne droite, nous ne nous reverrons plus avant Chamonix.

Le col des Montets ( km 146 alti 1461 m) Argentière ( km 149 alti 1260 m) dernier ravito. Assis sur un banc, l’air hagard, mes battons sur les genoux, je regarde Tristan boire un double café pour combattre les assauts du sommeil. Direction Chamonix, un peut de route et puis un chemin en balcon plein de cailloux. Une succession de petites montés et descentes, j’en peux plus, mes jambes ne veulent plus fonctionner ma tète non plus. Le chemin repart sur la droite ça monte dur. Trop dur pour l’état dans lequel je me trouve. Stop, je disjoncte, j’appelle Tristan, nos regards se croisent une nouvelle fois « Pardon !mais pour moi ça s’arrête là ! » Il a compris que j’étais au bout, mais il sait que je finirais cette course. Je le regarde s’éloigner, nous nous retrouverons derrière la ligne magique. Les derniers instants de course sont indéfinissables très intérieurs, un mélange de plaisir intense d’avoir réussi, noyé dans une souffrance que l’on a appris à apprivoiser au fil des heures.

Voilà c’est fait, je viens de passer sous l’arche d’arrivée que j’avais franchie dans l’autre sens il y a 36 heures et 40 minutes. Je viens de vivre des moments les plus intenses de ma vie. Je voudrais dire merci à ceux avec qui je les ai partagés et qui mon certainement permis d’aller au bout. Merci à toi Tristan, cette 2 ème nuit aurait surement été beaucoup plus dure et plus longue seul, tu es pour beaucoup pour ce super chrono (pour moi !). Merci Sylvie pour ta présence et tout ce que tu m’as apporté tout au long de cette course. Merci Valérie pour tout tes encouragements à chaque ravitaillement.

E.B