Courmayeur – Champex – Chamonix (CCC)

Août 2008 (98km, 5600m dénivelé +)

Après des mois d’attente (depuis janvier) avec quelques courses de préparation et les 12 dernières semaines d’entraînements, nous voilà à Chamonix en face du sommet de l’Europe, le Mont-Blanc, pour l’UTMB 2008 (pour Sylvie, Eric et Philippe) et pour la CCC (avec Jean-Philippe et moi). La semaine et le week-end à venir s’annoncent magnifiques grâce à une superbe météo.

Je profite de cette destination pour amener toute la famille à passer des vacances à la montagne, c’est génial de se ressourcer avec femme et enfants avant de se battre avec soi-même sur la course à venir.

La famille Morand nous rejoint dans notre gîte à Servoz. Le jeudi, la veille du départ, on se retrouve tous à Chamonix pour récupérer nos dossards parmi les 4600 trailers. Après 2 heures d’attente et de vérification de nos sacs, nous nous retrouvons dans le gîte des Bouisset-Petazzoni pour un déjeuner-goûter d’avant course ; c’est-à-dire une Pasta Party avant de se coucher de bonne heure.

Vendredi 29 août, avec JP on se lève tôt pour Chamonix afin de prendre la navette direction Courmayeur en empruntant le Tunnel du Mont-Blanc.

Sur l’aire de départ, l’ambiance s’installe avec de la musique, des discours, les hymnes nationaux des 3 pays traversés. Les 2033 trailers de la CCC ressentent chacun un frémissement avant d’entendre le coup de feu du départ à 11h précise. Il fait super beau, le ciel est bleu et les sommets sont enneigés ; c’est merveilleux. Ça y est, on ne peut plus reculer ; maintenant, il faut tout donner et la réussite de sa course est en chacun de nous. Il y a une magie dans cet élan au départ et à la fois une certaine interrogation : « arriverai-je à Chamonix ? Et dans quel état ? »…

Avec Janfy, nous avons des repères d’horaires de passage en fonction des lieux.

1ère ascension à 2584m, la Tête de la Tronche (elle porte bien son nom car pour certains, le grimace commence !!) via le refuge Bertone. Il fait très chaud, mais l’enthousiasme et l’euphorie de cette fête me rassurent et avec Janfy (comme pendant les 12 semaines de préparation ensemble) c’est génial.

Déjà au loin, nous devinons dans le prolongement du Val Ferret, le col du même nom qui ouvre la porte de la Suisse. Les paysages sont magnifiques et les trailers s’étirent au fil des km et de la difficulté des premiers dénivelés. Janfy a des soucis pour suivre notre rythme fixé ensemble (je ne m’inquiète pas, il est costaud) et au sommet, redescente vers le refuge Bonatti. La vue est splendide sur le Val Ferret et le massif du Mont-Blanc (versant italien). Un petit « coup de cul » avant de profiter d’un ravitaillement, j’arrive dans notre tableau de marche mais j’attends 10 minutes Janfy. Je le vois, il a la tête des mauvais jours, il a du mal à assimiler et digérer (je suis inquiet). Je décide de l’attendre avant de repartir ensemble vers Arnuva (26e km, au pied du grand Col Ferret à 2537m). Il essaye de boire une soupe, nous remplissons nos poches à eau et hop après 15-20 minutes de récupération, nous repartons ensemble. Ces 5 km sont difficiles et galères pour Janfy. A Arnuva (en retard sur nos prévisions), Janfy veut arrêter, abandonner ; il est cuit, carbonisé. « Non, mon gars, pense à tout ce que tu as fait, préparé…pense à Aurélie et aux filles » sont mes premiers mots. Après un temps de repos, nous redémarrons mais au bout d’1 km, Janfy va se coucher pour récupérer. Je dois le laisser car la course continue mais je suis amer et j’ai les boules de « l’abandonner » ; j’ai un coup de mou au moral dès les 1er lacets d’ascension vers le col Ferret (4 km de montée). Michel Martollini me rejoint, nous parlons de Janfy, je reprends du poil de la bête (toujours inquiet tout de même) et l’aventure continue. La montée est dure, mais j’ai de bonnes jambes, de bonnes sensations et j’essaye de reprendre du temps sur mon retard. Au sommet (en Suisse), le vent est fort, je ne m’attarde pas et j’attaque les 9 km de descente en direction de la Fouly ; Je prends mon pied dans cette descente et je récupère de nouveau Michel qui m’avait un peu lâché dans la précédente ascension. Nous arrivons à la Fouly, il est 18h30 (j’ai une pensée pour le départ à Chamonix de Sylvie, Eric et Philippe sur l’UTMB), ce ravitaillement est bien venu. Je me recharge en liquide et en solide (les buffets sont bien copieux et variés). Je croise des yeux hagards (j’apprendrai bien plus tard que beaucoup ont abandonné à cette étape). Il reste 58 km pour l’arrivée, mais je pense à Champeix (prochain ravito) et je repars seul sans difficulté (j’ai encore une pensée pour Janfy car je n’ai pas de nouvelles). La traversée de ces beaux villages Suisse est magique et champêtre ; une vraie carte postale vivante).

Ouf, j’arrive juste à la tombée de la nuit à Champeix. Je prends 30 minutes pour bien me ravitailler, je me change pour la nuit avec la frontale. Il est 21h30 et je passe un coup de fil à Mathilde pour donner de mes nouvelles et lui dire que je vais bien et que je suis content de cette course. Elle m’informe que Janfy a abandonné et qu’il rentre par la navette.

La nuit est là avec son ciel magnifiquement étoilé et maintenant direction la montée vers la Bovine (encore 4km d’ascension – je m’en méfie car Eric m’a prévenu que le dénivelé est dur). A ma grande surprise, je monte avec aisance et même je suis la locomotive pour un wagon de 7-8 traileurs. A Bovine, j’avale un thé avec du Coca, avant de descendre (6km) sur Trient via le Col de Forclaz. La descente dans la nuit est complexe par les chemins escarpés, caillouteux et « racineux ». A Trient, sur fond sonore de cloches alpines, je déguste ma soupe, je mange du fromage et je remplis une fois de plus ma poche à eau. Je repars seul et là, j’ai un moment de doute après un peu plus de 14h de course (il est 1h du matin). Je pense aux enfants et à Mathilde et me voilà regonflé pour aborder les 5 km de montée vers Catogne. En haut, le spectacle est merveilleux avec le ciel étoilé, les massifs montagneux que l’on devine et la vallée illuminée sur les communes suisses comme Martigny, avant de repasser en France. La frontière se trouve au 78e km dans la descente sur Vallorcine. Les jambes commencent un peu à se faire sentir en descendant au ravito de Vallorcine où j’en profite pour de nouveau manger une soupe, fromage et saucisson. Il est un peu plus de 4h du matin, il reste 17 km de course. Je me retrouve seul en longeant la ligne de chemin de fer (gros doute !! mais qu’est ce que je fais là ??) Au loin, je vois un petit groupe et je me dis « allez mon gars, tu les rejoins pour monter à la Tête aux Vents ». Devant, nous voyons les frontales de nos prédécesseurs qui dessinent un serpent lumineux (c’est beau et cela me redonne le moral), d’ailleurs dans l’ascension, j’ai de bonnes sensations et je me sens au top maintenant. Au sommet, progressivement en direction de la Flégère, le soleil se lève et le spectacle est splendide. Je découvre un ensemble allant des aiguilles de Chamonix, la Mer de Glace, le Mont-Blanc, les glaciers et le Goûter, passant du gris blanc au rose ensoleillé du petit matin, passant ensuite par un blanc immaculé sur fond de ciel bleu. Heureusement que le paysage est féerique car mes pieds deviennent douloureux à cause d’ampoules m’empêchant de courir normalement. J’arrive à la Flégère pour le dernier ravito (il est 7h20 et reste 7 km), j’entends mon téléphone, c’est Janfy. Je suis content de l’entendre. Il a abandonné à Champeix et il est rentré dormir au gîte. Il veut venir me chercher à Chamonix. Je ne peux plus courir à cause de mes ampoules (dommage, car je me sens bien) et donc je lui dis que je pense arriver vers 9h. La descente sur Chamonix est douloureuse pour les pieds dans les derniers chemins. Je trouve un compagnon victime du même syndrome et nous finissons ensemble cette plongée sur la capitale du trail fin août 2008. Il reste 1,5 km lorsque nous retrouvons le macadam et la ville. Là, dans un virage je vois mon Janfy qui m’encourage et fait quelques mètres avec moi. Il est 8h30 et dans les rues, il y a de l’ambiance avec du public, de la musique et les commentaires de l’organisation. Après quelques virages, je vois l’arche d’arrivée et je lève les yeux vers le ciel en me disant « ça y est, je l’ai fait, c’est génial » et je savoure avec égoïsme et fierté les derniers 200 m en pensant aux enfants, à Mathilde et à toutes ces heures de préparation pour être là aujourd’hui. J’ai le sentiment d’être le vainqueur de la course ; en fait, je suis simplement victorieux de moi-même et d’avoir encore repoussé mes limites et d’avoir bien gérer ce nouvel effort. Je retrouve Janfy avec plaisir et nous échangeons nos premières impressions avec une bière bien fraîche. J’ai mis 21h39 pour ces 98 km.

Marc Villain (suivant nos courses via Internet) m’appelle et m’informe que je suis arrivé dans les 500 premiers. Je le remercie d’avoir veillé sur nous et il suit encore nos 3 valeureux sur l’UTMB. Il leur reste encore une nuit avant de revenir à Chamonix.

Dans une salle, je trouve des podologues pour soigner mes pieds. J’ai une grosse ampoule à un pied et 2 encore à l’autre. Un fois remis en état, Janfy me ramène au gîte et durant le trajet, nous échangeons sur la CCC. Je retrouve tout le monde avec joie et plaisir à faire partager. Le reste de la journée, nous retournons à Chamonix pour profiter de la fête et voir les premiers arrivants de l’UTMB. Les enfants profitent de l’ambiance et je regrette qu’ils n’aient pas pu me voir arriver ce matin.

Le spectacle est splendide et nous voyons même le podium de la CCC et les interviews des champions (comme Kilian Jornet vainqueur de L’UTMB, Dawa Sherpa, Guillaume Lenormand vainqueur de la CCC…..).

Je finis ces quelques mots par un grand merci à Mathilde et aux enfants de m’avoir soutenu pendant ces semaines et ces jours jusqu’à cette expérience sportive.

Bravo aux trailers du Civ Chevreuse.

Pascal