ULTRA TRAIL du MONT BLANC : le départ

18 H 30 : Rassemblés sur la place de l’ église de CHAMONIX, nous écoutons les dernières consignes de course. Pour les 2000 participants, c’est l’objectif sportif majeur de l’année 2005.

Certainement bien plus pour l’immense majorité des coureurs : La course qu’il faut avoir, non pas faite, mais avoir vécue et, rêvons un peu à 30 minutes du départ, terminée une fois dans sa vie.

L’ultra Trail du Mont Blanc : 158 km, 3 pays traversés, 8 500 mètres de dénivelée positive. L’année dernière, avec une météo idéale, 25 % des partants ralliaient l’arrivée !

Le vainqueur de l’année dernière monte sur le podium surplombant le départ pour nous prodiguer conseils et encouragements. Au-dessus de nos applaudissements, il se pose en « César » que ses sujets saluent … avant de mourir !

On est bien d’accord, on ne pense jamais, à ce moment là, aux derniers …

Normal, me direz-vous, la compétition sert à reconnaître les meilleurs. Mais le sport peut être vu sous différents angles, même si le plus commun est celui de la performance sportive. N’empêche, même quand on le pratique en compétition, il ne sert pas nécessairement qu’à cela.

Dans le sas du départ, j’observe et il n’y a pas beaucoup à chercher : Le calme n’est qu’apparent ; derrière ces visages concentrés à ce prétexte de confrontation sportive, il y a de sacrés personnages. Pour nous tous, le Tour du Mont Blanc est un morceau tellement consistant qu’il nous a fallu de l’audace, voire du courage, pour se lancer dans cette aventure. Accepter et faire accepter aux conjoints les sacrifices inhérents à un tel projet.

Il y a ceux, j’en fais partie, qui en ont tellement entendu parler, qu’il faut qu’ils la vivent une fois ; il y a ceux pour qui un bon classement, ou améliorer celui de l’année dernière, est l’objectif ; il y a ceux dont l’objectif est de terminer dans les délais ; ceux qui, sous le coup d’un abandon l’année dernière, repartent avec la volonté de, cette fois là, finir ; il y a celles, entraînées dans cette folie par un mari ou un ami, qui se fixe Courmayeur (71 Km) en espérant juste être dans les temps.

Ils y a ceux … ils y a celles … Hormis 4 coureurs qui viennent pour gagner et peuvent prétendre à la victoire, il y a 2000 histoires différentes qui portent les noms de : Défi, pari, fête, voyage, course, randonnée, découverte de soi, pèlerinage, etc.

A dix minutes du départ, ces 2000 histoires différentes, ces 2000 personnes, ont un dénominateur commun : l’incertitude ; elle se lit sur tous les visages. C’est une communion générale placée sous le signe de l’inquiétude ; elle est palpable, c’est un couvercle qui nous oppresse, une véritable chape dont on ne s’échappera qu’une fois parti. A cette heure, aucun concurrent ne peut pronostiquer s’il finira. Oser parler de chronomètre à ce moment là serait déplacé ou très prétentieux !

L’incroyable énergie physique, la détermination, le calme affiché par tous, transpirent dans le brassage humain du sas de départ. Aucun ignore cependant qu’il lui faudra aussi serrer les dents pour arriver au bout.

A une minute du départ, l’attention de tous se focalise sur le directeur de course, le vainqueur de l’année dernière redescend se placer avec nous sur la ligne de départ.

C’est sûr, le vainqueur de l’UTMB n’est pas n’importe qui …

Mais le dernier de l’UTMB n’est pas non plus n’importe qui.

5-4-3-2-1 Boum. Dans les watts débridés de la sono, 2000 histoires débutent, 2000 scénarios vont s’écrire dans l’encre de la nuit, se dessiner au pinceau tremblotant des lampes frontales, où la chance, les jambes, le mental, vont se disputer tour à tour le premier rôle.

Tristan.